Il y a 10 ans, James Brown décédait le 25 décembre 2006 suite à une complication d’une pneumonie. Il avait 73 ans. L’artiste avait du caractère et cultivait les mots en allant droit au but « Quand je parle aux gosses, je ne les regarde pas de haut. Je viens du ghetto et j’ai toujours ma boîte de cireur à la main ».
Né en 1933 à Barnwell en Caroline du Sud, dans une famille très pauvre, James Brown est élevé dans un bordel où il subit la dure réalité de la ségrégation raciale et du racisme du Sud. Dès l’âge de 7 ans, l’enfant espiègle devient un rabatteur de prostituées avant de devenir un cireur de chaussures.
A l’adolescence, il est attiré par la boxe, mais surpris en train de voler, il est arrêté et emprisonné dans un pénitencier en 1949 dans lequel il va purger quatre longues années. C’est dans ces lieux morbides, qu’il commence à chanter du gospel… En sortant de prison, il devient boxeur mais il quitte le sport et intègre un groupe vocal, les Swanees – futur Famous Flames – un groupe qu’il va écraser de sa forte personnalité.
Il est repéré par Bobby Byrd qui est impressionné par sa capacité à chanter et à danser en même temps. Ensemble ils forment le groupe The Flames . Leur premier single Please, Please, Please sorti en 1956 se vend à 1 million d’exemplaires : ce sera malheureusement leur unique succès.
Deux ans plus tard est enregistré Try me à New York. Un blues inspiré par le climat typique du gospel des églises baptistes du Sud américain. Peu à peu James Brown affine son style.
En deux ans, James Brown devient l’idole de millions de jeunes Noirs subjugué par cet artiste qui dessine ses propres vêtements. Au fil des tournées, il s’affirme comme un auteur-compositeur interprète et multi-instrumentiste doté également d’un sens aigu de l’arrangement.
Surnommé The One pour ses multiples capacités artistiques, il utilise également ses connaissances dans le domaine du jeu de jambes hérité de son passé de boxeur pour inventer des danses comme le Camel walk, le Mashed potatoes (les « patates écrasées »). Danses qu’il teste et perfectionne toujours sur scène. Il crée également l’ Alligator, le Shimmy et même le James Brown.
Après And Shimmy et Night Train, l’album Live At the Apollo confirme la légende. Pendant une semaine, en 1963, James Brown fait exploser le légendaire théâtre Apollo de Harlem de New York.
Les années 60 vont consacrer The Godfather of Soul. Le spectacle est bien rodé. Il est important pour James Brown que la salle soit chauffée avant qu’il ne rentre sur scène. Les musiciens et les choristes jouent, tandis qu’un maître de cérémonie vient haranguer le public. Quand il pénètre sur scène, l’impatience est à son comble. Les fins de spectacle se terminent par le même rituel, celui de la cape argentée… apparemment épuisé, Mr JB se met à genoux, un assistant vient l’aider à se relever pour l’entraîner vers les coulisses. Ensuite, vient le moment des rappels… Jusqu’à vingt-sept fois par soir.
Papa’s Got a Brand New Bag morceau fondateur du funk
En 1964, c’est là que Mick Jagger, 20 ans, rencontre pour la première fois “The Godfather of Soul” en 1964 lors de l’enregistrement d’une émission à l’Apollo Theatre et découvre « le plus grand performeur de tous les temps».
En 1965, l’Europe découvrent à son tour cette « musique de sauvage » avec Papa’s Got a Brand New Bag morceau fondateur du funk et dans lequel une section de cuivres laisse éclater ses riffs. Le titre, événement rare, est classé alors à la fois dans les hit-parades noirs et blancs. En 66, It’s a Man’s Man’s World apporte la consécration.
En composant Cold Sweat en 1967 et en proclamant l’année suivante Say It Loud I’m Black And I’m Proud (Dites-le fort, je suis noir et je suis fier), il devient l’un des leaders du Black Power. Il dira « Jusque-là, les Noirs avaient honte. Ils avaient entendu tant d’insultes, du genre nègre ou négro qu’ils ne savaient plus qui ils étaient. J’ai transformé ce négatif en positif et j’ai écrit cette chanson sur la fierté ».
L’initiateur du black capitalism
En 1968, lorsqu’il abandonne son fameux brushing au profit d’une coiffure afro, l’événement donne lieu àde nombreux commentaires dans la presse. Ainsi, le magasine Soul lance : “Depuis des années, le King était un esclave. Esclave de qui, de quoi? James Brown devait arborer cette coiffure qui lui demandait de douloureuses heures de préparation, depuis des temps immémoriaux. Jusqu’au mois dernier. A présent, le King arbore une coiffure afro. Tout le monde, y compris les Blacks Panthers et le SNCC (l’organisation étudiante de plus en plus radicale), pense que c’est une bonne chose. “
Pour autant, James Brown ne côtoie guère les Panthers ou d’autres organisations nationalistes noires. C’est avant tout un travailleur acharné, fier de sa réussite. En 1968, il est à la tête de trois stations de radio, il possède des voitures rutilantes, un jet privé, un château de style victorien en plein Queens. Le texte de la chanson s’inscrit d’ailleurs dans cette veine. Brown considère qu’une ascension sociale est possible pour les jeunes noirs, à condition qu’ils ne soient pas exploités économiquement.
Aux Etats-Unis, l’époque des Freedom Songs est déjà en marche et James Brown marche aux côtés d’Otis Redding vers un même combat, celui de l’application des Droits Civiques. Les hommes politiques ne s’y trompent pas et ils le courtisent activement. Ainsi, au lendemain de l’assassinat de Martin Luther King le 5 avril 1968, les autorités sollicitent le chanteur. Le concert qu’il donne le lendemain de l’assassinat est diffusé à la télévision, les autorités espérant ainsi retenir chez eux les émeutiers potentiels. Il multiplie alors les appels au calme à la radio. Invité par Johnson à la Maison Blanche, le Washington Post relaie ses discours et en fait l’éloge.
De fait, en 1968, James Brown a relevé son pari, il est devenu le champion du capitalisme noir, grâce à un talent indéniable et une discipline de travail spartiate. Ses musiciens sont constamment mis à l’amende pour des motifs variés: retard aux répétitions, chemise mal repassée… et sont pour une majeure partie sous-payés.
L’extraordinaire bête de scène est l’un des artistes les mieux payés du monde. L’artiste est à la tête d’une formidable entreprise de spectacle qui, outre son groupe, les Famous Flames, réunit un show imposant comprenant plusieurs chanteurs et chanteuses, et qui donne près de trois cent soixante-cinq galas par an. Mais son orchestre finit par se mutiner et James Brown se trouve dans l’obligation de renvoyer tous les musiciens. Les Famous Flames n’existant plus, il doit songer à l’avenir.
Sex machine : morceau de 16 minutes
Pour faire face à l’adversité et démontrer qu’il reste Mister Dynamite, James Brown va s’entourer uniquement de jeunes musiciens. Ce nouvel orchestre, baptisé les JB’s, enregistre en un temps record – 12 heures ! – un double album comprenant des reprises de ses grands titres, plus un nouveau morceau de seize minutes : Get Up, I Feel Like Being a Sex Machine . Enregistré en 1970 dans les studios Starday de Nashville, James Brown et ses jeunes musiciens ont inscrit dans l’histoire de la musique noire une véritable bombe à danser. Le titre devient universel et va résonner pendant longtemps dans tous les night-clubs.
James Brown participe de nombreuses fois à l’émission Soul train , rendez-vous musical incontournable de la black music. Au travers de cette émission, il ne cessera d’inciter les jeunes noirs à s’éduquer pour s’émanciper.
Opportuniste, il accepte les invitations du nouveau président, Nixon, qu’il soutient même en 1972, avant d’appuyer Reagan en 1980. Histoire de dire sans doute que les noirs pouvaient aussi avoir leurs entrées à la Maison Blanche.
Affublé de surnoms divers comme Mister Dynamite, Soul Brother ou encore Godfather of Soul, le dieu vivant venu des banlieues lançait à qui voulait l’entendre « Dieu avait un boulot spécial pour moi… unir les hommes entre eux ». James Brown aura pour ainsi dire lancé le mouvement du Black décomplexé. A good job !
James Brown à l'émission Soul train
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James Brown à l'émission Soul train
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