Rita Hayworth : la Déesse de l’Amour


Rita Hayworth concentre à elle seule un multiculturalisme qui fait sa singularité. Née le 17 octobre 1918 dans le quartier de Brooklyn à New York ; Margarita Carmen Cansino de son vrai nom est l’aînée d’une famille de trois enfants. Son père Eduardo Cansino, danseur célèbre d’origine sévillane est venu s’installer aux Etas-Unis après avoir rencontré le succès en Europe avec ses représentations de danses andalouses, très prisées à l’époque. La mère de Rita, Volga, née Hayworth, elle-même danseuse, est fille d’acteurs anglo-irlandais.

Des danses latines dès son plus jeune âge

Dès son plus jeune âge, Rita se produit dans la troupe familiale des « Dancing Cansinos » et danse avec éventail et castagnettes. Son père, qu’elle admire, lui impose des cours de danse rigoureux et particulièrement contraignants. Rita est alors d’une nature réservée, obéissante et d’une timidité maladive. Avec l’arrivée du parlant, l’âge d’or du music-hall se termine et leurs spectacles ne font plus recette. Eduardo quitte New York, et toute la famille finit dans une roulotte avec un spectacle itinérant. En 1929, il prend la direction de Los Angeles et fonde une école de danse à l’angle de Sunset Boulevard et de Vine Boulevard. Un succès. Mais le krach de Wall Street vient tout bouleverser. Les Cansinos, repartent sur les routes…. Eduardo remonte ses anciens numéros de danse de tango espagnol et de boléro. Ils font  jusqu’à vingt shows par semaine, dans des night-clubs d’ Hollywood, Santa Monica, Long Beach ou d’ Agua Caliente près du Mexique.

Introvertie dans la vie, extravertie sur scène 

Rita Hayworth en 1930

L’admiration de Rita envers son père va vite virer au cauchemar : alcoolique, il devient tyrannique et violent et subit des relations incestueuses. Si Rita est réservée et introvertie dans sa vie privée, elle s’épanouit dès qu’elle se trouve sur les planches. Lors de ses représentations dans les night-clubs, son père ne manque pas de la présenter à tout le gotha d’ Hollywood, dans l’espoir de décrocher un contrat de cinéma. En 1933, la Warner Bros Pictures lui fait passer un bout d’essai mais ne la retient pas, la jugeant trop ronde. C’est Winfield Sheehan, vice-président de la Fox Film Corporation, qui remarque l’adolescente de quinze ans « à la timidité qui faisait peine à voir » lors d’un passage à Tijuana. Il assiste au numéro de Rita et, séduit par son charme et sa silhouette, lui fait passer des essais au studio de la Fox sur Western Avenue à Hollywood. Les tests sont plus que concluants, et Sheehan lui fait signer un contrat, à condition qu’elle change son prénom en Rita, qu’elle suive un régime et qu’elle prenne des leçons de diction et de maintien. Elle tourne très vite un court métrage et danse dans un de ses premiers films “L’Enfer” en 1935 aux côtés de Spencer Tracy. Eduardo en sera d’ailleurs l’un des chorégraphes. Elle apparaît dans plusieurs films de série B, “Under the Pampas Moon”, “Charlie Chan en Égypte”, “Human Carg” où elle incarne les filles exotiques, mexicaines, égyptiennes, russes…

Rita Hayworth et Edward C. Judson

Mais la Fox connaît de sérieuses difficultés et, lorsqu’elle fusionne avec la 20th Century Pictures pour devenir la 20th Century Fox, le nouveau producteur en chef Darryl F. Zanuck se débarrasse de Sheehan et décide de retravailler tous les projets de ce dernier. Il remplace Rita par Loretta Young pour le film “Ramona” (1936) alors qu’elle avait déjà travaillé le rôle. C’est à ce moment-là qu’elle rencontre Edward C. Judson, obscur homme d’affaires arriviste qui, après avoir visionné les rushes du film Ramona propose à Rita, fragilisée par la perte de son contrat, de s’occuper de sa carrière pour tenter de la propulser dans le cinéma. Très vite, il lui trouve des contrats dans des sociétés de petite envergure qui produisent des films de série B.

Une transformation physique pour le cinéma

Étouffée par son père et sa mère, devenue alcoolique elle aussi, Rita prend ses distances avec sa famille et, en 1937, âgée de 19 ans, elle épouse Judson, de 20 ans son aîné, ce qui lui permet d’échapper à l’enfer familial. Judson se substitue totalement au père. Dès lors, Judson la métamorphose… Il lui fait prendre des cours de diction, la persuade de changer totalement sa façon de se vêtir, de se mettre à la diète, d’avoir recours à la chirurgie esthétique pour creuser l’ovale de son visage (en arrachant des molaires). Rita est trop brune et trop typée. Après des semaines de torture avec les séances d’électrolyse, il lui fait teindre les cheveux en auburn. Continuant ses plans, il la présente entre-temps à Harry Cohn, le patron de la Columbia Pictures qu’il connaît bien. Le producteur tombe sous le charme de la belle starlette et lui fait signer un contrat de sept ans de 250 dollars par semaine. Il prend en charge les frais pour parachever sa transformation et change son nom de Cansino par le nom de sa mère, Hayworth, pour faire plus distingué. Elle apparaît pour la première fois sous son pseudonyme en 1937, dans le film « Criminals of the air » où elle exécute à nouveau des danses espagnoles.

Rita Hayworth se fait enfin remarquer dans le film de Howard Hawks « Seuls les anges ont des ailes » malgré la présence écrasante de ses deux célèbres partenaires Cary Grant et Jean Arthur, qui est alors la star de la Columbia. Ce film est déterminant pour la carrière de Rita Hayworth, mais l’expérience : « Ce fut un film difficile pour moi. C’était la première fois que je jouais dans un film important et j’avais vraiment peur. Cary Grant a été charmant et très gentil avec moi. Il m’a dit : “Ne t’inquiète pas, ça va marcher». Effectivement, le film est un succès : les critiques sont enthousiastes et le public masculin aussi… Rita gagne alors 2 500 dollars par semaine. Sa carrière démarre. Elle tourne ensuite deux autres films pour la Columbia : un remake du film français “Gribouille” de Charles Vidor qui deviendra son réalisateur fétiche et “L’Ange de Broadway“. La Warner Bros. Pictures s’intéresse à elle et  produit le nouveau film de James Cagney, “The Strawberry Blonde“.

Fraîche et pétillante, Hayworth va brillamment composer son personnage de séductrice, qui fait craquer James Cagney, époux de la très sérieuse Olivia de Havilland. Le film remporte un vif succès. Le deuxième film de la Warner est une comédie romantique “Affectionately Yours“. La Warner essaye de racheter le contrat de Rita Hayworth à la Columbia, en vain. C’est ensuite la 20th Century Fox qui la réclame pour “Arènes sanglantes”, film en Technicolor. Le réalisateur, a auditionné plus de 30 actrices pour le rôle de Doña Sol mais il finit par exiger de Darryl Zanuck qu’il fasse venir Hayworth au casting. Dès qu’il la voit, fasciné par sa gestuelle sensuelle, il sait que c’est elle. Elle y réalise une magnifique performance et renforce son image de femme fatale.

Une couverture mythique pour Life

Rita Hayworth en couverture de Life

Rita Hayworth fait maintenant la couverture de tous les magazines et la une des quotidiens et, grâce au film, elle devient une star internationale. On la surnomme “La Déesse de l’Amour“. En 1941, grâce à une photo de Bob Landry, tirée à plus de cinq millions d’exemplaires, et parue en couverture de Life, elle apparaît à genoux sur son propre lit en déshabillé de satin et dentelle. Elle obtient une popularité considérable auprès des G.I. américains engagés dans la Seconde Guerre mondiale. C’est alors le règne des pin-up, et Rita Hayworth est, avec Betty Grable, sans doute la plus populaire auprès des soldats. Hayworth participe à l’Hollywood Canteen en dansant au bras des GI’s. En 1943, elle visite des bases militaires et des hôpitaux, et fait une immense tournée pour soutenir le moral des troupes. À la Columbia, l’actrice se remet à la danse pour des comédies musicales. Elle en tourne deux avec Fred Astaire : “You’ll never get rich” et “You Were Never Lovelier“. L’alchimie entre les deux danseurs est une évidence « Fred était venu à la Columbia et m’avait demandée, il savait que j’étais danseuse… Sans lui, je n’aurai jamais joué dans ces deux films ».

Rita Hayworth dans”You Were Never Lovelier” – 1942

C’est en même temps que la sortie du film en  1942 qu’elle divorce d’Edward Judson devenu menaçant, violent et d’une jalousie maladive. En 1943, Orson Welles, acteur et réalisateur, également fasciné par la célèbre photo de Life, entreprend de séduire “la plus belle femme des États-Unis”. La star succombe à la passion et la détermination de Welles et se marie en septembre 1943. Elle continue de tourner des films musicaux notamment avec Gene Kelly dans “La reine de Broadway”. En décembre 1944, Rita donne naissance à Rebecca sa première fille. Mais Orson Welles qui s’est tourné vers la politique la délaisse de plus en plus.

Gilda sont chef d’oeuvre

L’apogée de Rita Hayworth vient avec le film “Gilda” de Charles Vidor, son réalisateur fétiche.

Rita Hayworth dans Gilda en 1946

L’histoire tourne autour d’un trio amoureux. Johnny Farrell, joueur professionnel, débarque à Buenos Aires, en Argentine. Il se lie d’amitié avec Ballin Mundson, le propriétaire d’un casino, dont il devient l’associé. À l’issue d’un voyage d’affaires, Ballin revient, accompagné de celle qu’il vient d’épouser : l’extraordinaire Gilda. Le hasard et la prédestination veulent qu’elle soit précisément l’ex-fiancée de Farrell. Ballin confie à Farrell la garde de Gilda. L’ancien amour renaît de ses cendres mais Farrell est en proie à la haine, la jalousie. Dans une scène d’anthologie, Gilda vêtue d’un fourreau noir retire ses longs gants : ce “strip tease”

suggéré reste un des sommets de l’érotisme au cinéma. Avec ce film, Rita Hayworth entre à jamais dans la légende cinématographique. Le succès est énorme et les retombées sont incroyables. Une expédition enterre au pied de la cordillère des Andes une copie du film destinée à la postérité. On vend un disque sur lequel, à travers un stéthoscope, ont été gravés les battements de cœur de Rita Hayworth. Le succès est tellement foudroyant qu’une des premières bombes atomiques larguée, en 1946, sur l’atoll de Bikini est baptisée Gilda et porte l’effigie de l’héroïne. Mais cette « attention » ne passe pas auprès de Rita !

Orson Welles et Rita Hayworth, sur le tournage de Lady from Shanghai en 1947

Alors qu’ils sont en instance de divorce, Orson Welles lui offre, comme un cadeau de rupture, son film : La Dame de Shanghai. Après avoir lu le livre, Rita veut jouer le personnage d’Elsa Bannister et démontrer qu’elle est aussi une actrice dramatique. Welles coupe la flamboyante chevelure de la star et la teint en blonde platine pour les besoins du film. Le film tourne au désastre financier et certaines scènes tournent au débat.Après Gilda, les cachets de Rita deviennent considérables avec 400 000 dollars par film.

Rita Hayworth dans The Lady from Shanghai -1947

Un jour mon Prince viendra

Rita Hayworth épouse le Prince Ali Khan le 27 mai 1949

Cadillac Series 62 by Ghia offerte par le Prince à Rita

Rita Hayworth décide, en 1948, de partir quelque temps en Europe. Le 3 juillet, lors d’une fête à Cannes Rita est présentée au prince Ali Khan. Un an plus tard, le 27 mai 1949, au terme d’une liaison placée sous le feu des tabloïds, Rita Hayworth devient princesse et se marie à Vallauris (Alpes-Maritimes), au château de l’Horizon. La princesse Yasmin Aga Khan, sa deuxième fille naît de cette union. Rita séjourne alors souvent à Cannes, dans le château de l’Horizon, ainsi qu’à Deauville. Mais le conte de fées est de courte durée. Rita, qui voulait fuir Hollywood, retrouve d’autres fastes encore plus contraignants. De plus, elle subit les tendances polygames de son mari, ce qui la blesse profondément. Le couple divorce en 1953. Le Prince lui offrira en dernier la magnifique Cadillac Series 62 Ghia Coupe produite à seulement 2 exemplaires.

La Blonde ou la Rousse avec Franck Sinatra, Kim Novak et Rita Hayworth en 1957

Les premières années de son retour à Hollywood sont très difficiles pour Rita. Une bataille juridique entre elle et Ali va se dérouler pendant plusieurs années pour la garde de Yasmin son quatrième mariage en 1954 avec Dick Haymes, ancien chanteur des orchestres de Benny Goodman va s’avérer désastreux. Ses films marchent moins bien. Elle tourne à la Columbia en 1957 pour “L’Enfer des tropiques” avec Robert Mitchum et remporte encore un grands succès dans “La Blonde ou la rousse” avec Frank Sinatra, son dernier film à la Columbia. Bien qu’elle y interprète le rôle d’une femme mûre, elle sait administrer une belle leçon par son jeu, son rayonnement et ses numéros dansés, à la nouvelle star de la Columbia, Kim Novak.

En 1958, Rita épouse, James Hill, un producteur rencontré lors du tournage de La Blonde ou la Rousse. Hill propose le rôle d’Ann Shankland à Rita Hayworth pour le film « Tables séparées » tiré d’une pièce anglaise. Grand succès financier, le film reçoit sept nominations dont deux oscars pour les interprétations de David Niven et Wendy Hiller.

Alzheimer comme dernier rôle dramatique

Le déclin de Rita Hayworth s’amorce et, au cours des années 1960. Son penchant pour l’alcool se répercute fâcheusement sur son physique et son comportement. Les premiers symptômes de sa maladie apparaissent : Rita est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Mal connue à l’époque, ses débordements d’humeur et ses altérations de mémoire sont mis sur le compte de la boisson. En 1981, elle est placée sous la tutelle d’une de ses deux filles, la princesse Yasmin Khan qui deviendra une des plus efficaces porte-parole de l’Association pour la défense des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et organisera au nom de sa mère des galas pour récolter des fond4.

Le 14 mai 1987, Rita Hayworth s’éteint à New York. Elle est inhumée à Culver City, faubourg de Los Angeles, au cimetière Holy Cross. Elle possède son étoile sur le Hollywood Walk of Fame au 1645, Vine Street. Un mythe s’éteint.

Share Button

2 Responses


Leave a Reply